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Le blog de songes-litteraires

Le blog de songes-litteraires

Un blog où je parle essentiellement de mes impressions littéraires...


Bête noire, d'Eric Dupond-Moretti

Publié par Songes-litteraires sur 24 Juillet 2012, 20:52pm

Catégories : #Témoignages - documenrts - essais

Bête noire, d'Eric Dupond-Moretti et Stéphane Durand-Souffland

"Condamné à plaider"

 

 

 

 

 

 

Quatrième de couverture :

 

"Je suis avocat depuis 1984. Le temps d'une affaire, j'entre dans la vie de mon client et j'utilise la mienne pour le défendre au mieux. J'arrive dans des villes dont je ne connaîtrai que le palais de justice, ma chambre d'hôtel me sert de bureau. Quand c'est fini, je remballe et repars pour une autre préfecture... Cette vie-là, je l'ai choisie, je l'aime et elle me tue à petit feu."

 

 

Eric Dupond-Moretti, le plus célèbre de nos pénalistes, nous plonge sans ménagement dans la dure réalité de son métier : la peur lancinante de faillir, les plaidoiries préparées à longueur de jour et de nuit, l'interminable attente de la sentence, la tristesse de l'après-verdict où il retrouve son quotidien. "Condamné à plaider", mais aussi à se battre contre la violence judiciaire "quand elle porte les habits endimanchés de la vengeance". Car la Bête noire des prétoires nous emmène également dans les coulisses interdites, parfois un monde d'influence et d'arrangements douteux où la défense est tout juste tolérée, même quand elle tente désespérément d'éviter les erreurs judiciaires. Des révélations inédites, sur un univers déshumanisé.

 

Ce livre a été écrit avec Stéphane Durand-Souffland, le chroniqueur judiciaire du Figaro.

 

 

Mon avis :

 

 

C’était une lecture passionnante à bien des égards. Eric Dupond-Moretti nous ouvre les portes de sa profession et particulièrement celle des avocats pénalistes.

 

Il critique de façon assez comique parfois certains abus de la justice, notamment aux assises concernant le rôle prépondérant du Président de Cour d’assises dans le déroulement du procès, celui encore plus fort du parquet, la frontière très diffuse entre la magistrature debout et assise avec toutes les connivences qu’il nous expose, exemples concrets et vécus à l’appui et enfin le poids mineur des jurés dans la sentence finale.

 

J’ai trouvé ses propos virulents à outrance, mais il est passionnant, n’est pas un brillant avocat qui veut… Quand à sa profession et le fait qu’il est parfois critiqué sur le fait qu’il défend plus les accusés que les victimes, il a une phrase admirable que je trouve résumer parfaitement sa philosophie : « Je peux défendre un négationniste, mais en aucun cas le négationnisme ».

 

Décortiquer toute la procédure pour retrouver d’éventuels vices de fond ou de forme, dénoncer les procès instruits uniquement à charge, revendiquer l’humanité de celui qui a commis l’irréparable, tenter de convaincre de l’innocence de son client lorsque celle-ci est plausible ou simplement obtenir une peine proportionnelle et juste aux faits reprochés, voilà le quotidien d’un pénaliste qui se déchausse de son jugement moral pour défendre uniquement sur le terrain du droit un client qui demande de le défendre.

 

 

L’opinion publique a facilement plus d’attachement pour la victime c’est un fait.

Le procès est parfois l’occasion pour la victime de faire son deuil, la condamnation à la peine maximale exigée par les parties civiles peut se comprendre d’un point de vue moral mais le procès ne doit pas servir comme forme de consolation pour la victime.

Le procès doit être entendu comme le moyen pour la société dans son ensemble de condamner le cas échéant à une peine juste, toujours en ayant à l’esprit le respect scrupuleux des droits de la personne mise en cause.

 

Je trouve cependant qu’il nous livre à travers son livre un certain nombre de préjugés qu’il a lui-même sur le procès, ou du moins qu‘il veut nous faire acquérir. Dans l’avant-propos il nous interpelle : « Observez le président quand il pose ses questions, devinez qui l’agace le plus : l’accusé, l’avocat qui le défend ou l’avocat général qui l’accuse? Prêtez attention aux arguments de ce dernier, chargé de prouver la culpabilité de l’homme du box:  Est-il convaincant? Fait-il des efforts pour l‘être ?…».

Pour moi il part du postulat que le Président ne fait pas son travail de façon neutre, que l’avocat de la défense agace forcément, et que l’avocat général n’a pas de grands efforts à fournir pour convaincre de la culpabilité…

 

Personnellement je trouve un peu malsain cette façon de nous exposer son point de vue, bien des sous-entendus en découlent. De mon point de vue lever des soupçons sur toute la profession de magistrat pour orienter dès le départ la vision du lecteur me paraît regrettable, c’est précisément ce qu’il critique avec tant de véhémence quant à la manipulation des jurés qu’il reproduit ici.

 

Pour le reste je suis parfaitement d’accord avec lui, des abus sont commis et doivent être relevés et dénoncés comme il le fait concrètement à travers divers exemples par la suite, mais à la lecture de ce paragraphe il en fait une telle généralité, surtout dans un avant-propos, cela donne bien évidemment un certain impact…

 

Son égocentrisme assumé m’a fait bien rire d’autant plus qu’il évoque les effets de manche qu’il ne produit pas évidemment…parce que ça n’impressionne plus les jurés… Pourtant dans la presse régionale on évoquait récemment l’affaire Clélia, les mots durs échangés entre l’avocat général Luc Frémiot et lui  en 2011 et à nouveau en 2012. Pour ma part, c’est un spectacle absolument scandaleux, d'un côté comme de l'autre. Oui pour se faire entendre il faut parfois « crier » plus fort mais on n’est pas à la foire, ce ne sont pas des poissonniers à ce que je sache et la justice doit se faire dans un climat serein! La victime et même l'accusé méritent mieux tout de même.

 

Et puis j’ai particulièrement apprécié cette note finale d’un article de La Voix du Nord en date du 24/05/2012 relatant les paroles de Maître Dupond-Moretti à l’égard des jurés.

[Alors, sa colère retombe. Sa voix se fait solennelle. Chaude. Grave. « Si vous avez la certitude, la main à couper et la tête sur le billot que c’est lui, alors allez-y. Mais si vous avez un doute… » Il dit encore que « ce n’est pas déshonorant de dire que vous ne savez pas », se retourne vers le gamin de vingt-quatre ans qui est maintenant ratatiné dans le box et supplie… « Ne vous trompez pas. Surtout, ne vous trompez pas… »]

 

C’est son métier, c’est son gagne-pain après tout, un mélange habile d’intelligence, d’insolence, et de savante manipulation des mots et des acteurs du procès malgré ce qu’il peut en dire… La ruse verbale est édifiante.

 

«Acquittator» c’est bien une expression stupide comme il l’évoque, il n’en demeure pas moins qu’elle a le mérite de le mettre en valeur, peu peuvent se targuer d’avoir de si bons résultats, d’être autant adulés que détestés par ses confrères, par le monde judiciaire dans son ensemble, les médias et l’opinion publique. Un tel talent méritait bien un surnom hors du commun…

 

 

 

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